Roman (en cours d’écriture)

Le sang coule de mon arcade sourcilière tandis que sur mon corps pâle et démultiplié par les gigantesques miroirs de la salle de bain blanche et or, fleurissent de jolies ecchymoses.
Je vibre, branle, m’écroule et rampe nu comme un ver jusqu’aux chiottes de luxe du palace. A jets continus, j’éclabousse la porcelaine nacrée. Encore un spasme et je vais me retourner comme un gant de caoutchouc, rose et mou. Désormais, Il n’y a plus rien à l’intérieur de moi que ce minuscule ressort qui vient tout juste de se briser.
Comment un type aussi poltron a-t-il pu me coller une telle rouste et surtout pourquoi ?
Légèrement blessé et surtout terrorisé, il entre dans la pièce avec un paquet de fringues qu’il jette à terre en disant:
ça devrait t’aller.
Aussitôt, son regard apeuré me remet tout, ou presque, en mémoire :

J’ai appris le russe au berceau, l’anglais et l’espagnol à l’école. Mes amants ont complété ma formation avec l’arabe, le chinois, un peu d’allemand et je baragouine, aussi, quelques dialectes exotiques histoire de frimer un peu et de m’attirer les bonnes grâces de pauvres esseulés. Je suis le confident, l’homme à tout faire : celui qui résout tous les problèmes avouables ou non. Ma morale est élastique, je possède un formidable carnet d’adresses et j’ai presque tous les pouvoirs dans cet hôtel où je fais office de chef concierge.
Toute la journée et jusque tard dans la nuit, j’œuvre aux désirs des clients et à mon enrichissement personnel. En cette période de disette, mon salaire est confortable et de petits aménagements m’aident à arrondir mes fins de mois...

Minuit, je gratte à sa porte... M’a-t-il ouvert comme à son habitude ?
J’entends encore ses hurlements d’animal promis à l’abattoir, tandis que penché au dessus d’elle, je contemple une auréole vermillon délicatement posée sous sa chevelure dorée.
- Sans discontinuer, il braille: elle est morte, elle est morte...